
Revalorisation salariale pour tous !
Rarement une annonce concernant l’aide à domicile n’aura autant fait parler d’elle et de manière aussi clivante. Et pour cause, 226 000 salariés qui vont bénéficier d’une revalorisation salariale de 12% à 15% d’un côté, 160 000 qui n’auront rien de l’autre. Tel est l’effet mécanique de l’agrément du désormais célèbre avenant 43 à la convention collective de la branche de l’aide à domicile (BAD).
Alors qu’une forme de convergence des luttes avait commencé ces dernières années entre les fédérations professionnelles associatives et celles qui représentent les entreprises, ce front commun, bâti autour de la reconnaissance de l’aide à domicile et de ses métiers, a volé en éclat ces dernières semaines. Probablement pas définitivement, des sujets de préoccupations communes réapparaitront à court-terme, mais de façon suffisamment profonde pour se reposer quelques questions fondamentales.
L’existence de deux (ou trois si l’on compte l’emploi direct) conventions collectives pour exercer le même métier est-elle justifiée ? Rien n’est moins sûr. Le Synerpa milite par exemple pour une convention collective unique des métiers du grand âge. Plus facile à dire qu’à faire, mais la question doit être posée. Par ailleurs, l’opposabilité des conventions collectives aux financeurs constitue-t-elle un mécanisme vertueux ? Seule celle de la BAD l’est aujourd’hui et cela revient à faire payer au contribuable le fruit des négociations entre partenaires sociaux, si bien que le rapport El Khomri, par exemple, s’était prononcé contre cette opposabilité.
Certes, nul ne va bouder son plaisir de voir ces centaines de milliers de salariés bénéficier de la revalorisation qu’ils méritent. Nul ne va contester non plus le rôle facilitateur de la mesure dans le recrutement et la fidélisation des salariés pour les structures associatives, qui pourront ainsi mieux répondre aux demandes d’accompagnement. C’est ce qu’explique en particulier l’ADMR. Mais une autre interrogation demeure : cette revalorisation va-t-elle avoir un effet d’entrainement sur l’ensemble du secteur ?
La fédération Adedom, entre autres, pense que oui, mais rien ne garantit que cela se passera ainsi. Tout d’abord parce que le mécanisme n’est pas applicable aux structures qui ne relèvent pas de cette convention collective, ni à celles qui ne sont pas tarifées. Ensuite, parce que les sommes annoncées par l’Etat sont déjà insuffisantes pour financer la mesure et que les Conseils départementaux, cofinanceurs, ne se sont jamais prononcé en faveur de cette décision, sur laquelle ils n’ont d’ailleurs pas été consultés.
Nous sommes donc au milieu du gué. Quelle que soit la perception du verre, à moitié vide ou à moitié plein, le législateur devra trouver le moyen de le remplir entièrement, à court-terme et dans la clarté, avec ou sans loi. La revalorisation salariale pour tous les salariés de l’aide à domicile est autant une urgence qu’une question d’équité.
Patrick Haddad
Rédacteur du Journal du Domicile
Retour aux actualités