
Prendre soin des soignants : une urgence…
Depuis le 23 mars, l’association Soutien aux professionnels de santé (SPS) a renforcé sa ligne d’écoute et l’a spécifiquement consacrée à la crise du COVID-19. Une occasion de prendre la mesure de la détresse des professionnels du secteur médico-social.
L’engagement de l’association SPS pour les soignants n’est pas nouveau. Il date en fait de 2015. « Cela fait déjà cinq ans que nous avons créé un dispositif d’accompagnement psychologique pour soutenir les soignants et depuis nous n’avons pas cessé de développer cette activité », explique le Professeur Pierre Carayon, fondateur de SPS. La structure, qui s’appuie aujourd’hui sur une plateforme d’écoute et, en relais, un réseau national du risque psycho-social, comportant plus de 1 000 écoutants professionnels (psychologues, médecins…), a souhaité mettre toute sa force de frappe au service des professionnels du monde sanitaire et médico-social qui traversent une crise sanitaire inédite. La plateforme d’écoute gratuite, renforcée COVID-19, le 0 805 23 23 36, fonctionne 7 jours sur 7 et 24 heures sur 24. Depuis sa mise en place, le 23 mars dernier, les appels ne cessent d’affluer.
Multiplication des appels nocturnes
En 10 jours, 1 200 appels ont été passés, soit l’équivalent du nombre total d’appels de l’année 2019 et ce chiffre ne cesse depuis de monter en flèche. « Les aides-soignantes et les infirmières sont majoritaires parmi les appelants, mais nous avons également de nombreux cadres comme les Idec ou les directeurs qui souhaitent vérifier que la ligne marche pour la proposer à leurs équipes. Le vrai enjeu est que cette ligne soit connue d’un maximum de monde », explique le Docteur Philippe Denormandie, un des principaux coordonnateurs de cette plateforme. Si l’on observe dans le détail les motifs des appels, la souffrance de tous ces soignants, le plus souvent des femmes, a de nombreux visages. Tout d’abord, on peut noter une très forte anxiété vis-à-vis de ce virus si nouveau et imprévisible. « Les personnels ont peur de transmettre le COVID-19 à la fois dans la sphère professionnelle et familiale. On peut aussi noter un fort sentiment d’impuissance, en particulier dans les établissements dans lesquels les décès s’accumulent ». Un autre thème marquant est celui de l’organisation du travail : « Les appelants témoignent de l’énorme charge de travail qu’ils sont en train de subir en raison de cette crise et de leur colère ne pas être suffisamment protégés par manque de matériel. »
Il faut aussi noter, parmi ces milliers d’appels, la difficile conciliation de leur engagement professionnel avec la vie familiale, avec bien souvent le sentiment ne pas être compris et écoutés par leur entourage, ainsi que pour toutes celles qui doivent restées confinées, d’un fort sentiment de culpabilité de ne pas être au front avec les collègues. Un dernier phénomène qui mérite d’être souligné est la proportion d’appels (près de 20 %) entre 22 h et 5 h du matin. « Ces appels au beau milieu de la nuit montrent toute la solitude des professionnels qui ne se sentent pas écoutés au sein même de leur famille et qui manifestement souffrent de troubles du sommeil. »
Revisiter l’organisation du travail, vite…
Quel sera l’impact de toutes ces souffrances accumulées depuis plus d’un mois et qui peu à peu s’expriment ? Sur ce sujet, Pierre Carayon n’est pas vraiment optimiste : « Cette crise devrait faire d’énormes dégâts parmi les professionnels avec de vrais risques de décompensation dans les mois qui vont suivre. Pour l’instant, ils sont dans l’action et dans la colère et cela contribue à les dynamiser, mais ensuite, je ne serais pas étonné d’une multiplication des burn-out. ». Une analyse que partage Philippe de Normandie : « Si après cette crise, on ne réfléchit pas très vite à de nouvelles manières d’organiser le travail dans les établissements en prenant mieux en compte la parole des soignants, il faudra s’attendre à des temps très difficiles… »
Pour plus d’informations :
https://www.asso-sps.fr/covid19
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