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© Patrick Dagonnot

4 avril 2020

La parole à… Florence Arnaiz Maumé, déléguée générale du Synerpa

Alors que le prestigieux Financial Time vient de terminer de l’interviewer, c’est au tour… du Mensuel des Maisons de Retraite d’interroger la déléguée générale du Synerpa. Il faut dire que, depuis le début de la crise, elle est la responsable professionnelle, avec Pascal Champvert, la plus en pointe dans les médias. On l’a vue, lue et entendue partout sur les télés, radios et journaux. On refait le point avec elle sur l’ensemble des sujets.

Le MMR : Comment est organisé le soutien à vos adhérents depuis le début de cette crise exceptionnelle ?

Florence Arnaiz Maumé : Outre les circulaires Synerpa que nous diffusons quasi quotidiennement, outre nos deux bureaux hebdomadaires pour faire l’état des lieux, nous avons une action forte et constante auprès du Ministère. Il s’agit de nous faire entendre pour obtenir les armes qui nous permettront de lutter contre le virus et empêcher sa propagation. Même si, il faut le dire, pour le moment, une grande majorité de nos établissements sont totalement épargnés par le virus.

Le MMR : Pensez-vous que cela est dû aux mesures de confinement que les Ehpad ont mis très tôt en place ?

F.A.M. : Il ne me viendrait pas à l’idée aujourd’hui de faire la moindre hypothèse car il reste encore au moins quatre semaines très lourdes devant nous. Fort heureusement depuis le début de l’épidémie qui date pour nous autour du 24-26 février, la situation reste sous contrôle avec une grande majorité d’établissements épargnés.

Le MMR : Pour les établissements qui ne sont pas touchés par le virus avez-vous mis en place un soutien particulier ?

F.A.M. : Oui bien sûr. Pour ces établissements épargnés, nous recommandons des mesures barrières maximales telles que le confinement en chambre, l’arrêt des animations en groupe supérieur à 5 personnes et, en respectant les distances barrières, l’arrêt des rassemblements en salle de restaurant :  tous les repas doivent être servis en chambre.

Nous préconisons une désinfection régulière des locaux comme celle des livraisons dont le traitement doit être effectué avant d’entrer sur le site. Enfin nous préconisons de mettre en place un sas de déshabillage pour que les vêtements venant de l’extérieur restent aux portes de l’ehpad. Il est primordial d’avoir des salariés sur site avec des tenues propres et une bonne connaissance des gestes barrières.  C’est donc une nouvelle façon de travailler pour les équipes qui reconfigure totalement la façon de fonctionner des établissements en tout cas pour ceux qui ne présentent pas de cas avérés dans l’enceinte de l’établissement.

Le MMR : Comment réagissez-vous dans les établissements touchés par le virus ?

F.A.M. : Il nous faut distinguer deux cas : le premier, celui des établissements qui ont seulement quelques personnes infectées et ne sont pas violemment attaqués. Les établissements dans ce cas sont de plus en plus nombreux et en fonction de l’aide qu’ils vont recevoir en matériel ou en technicité, ils vont pouvoir pencher d’un côté ou de l’autre : soit se stabiliser et s’en sortir rapidement ; soit entrer dans les difficultés et passer dans une phase plus dangereuse. Mais il est important de préciser que fort heureusement les établissements dans ce cas sont encore en nombre limité. 

Le deuxième cas est celui des établissements qui se trouvent dans cette phase rouge, c’est-à-dire dans lesquels le virus s’est largement répandu. Ces structures peuvent se retrouver dans une situation critique voire dramatique. Ce sont en général des établissements qui ont été impactés très tôt dans la crise. Nous en avons beaucoup dans le Grand Est et en Bourgogne-Franche Comté. Ils ont été infectés à partir du rassemblement évangélique de Mulhouse et pour ceux-là nous avons eu des flambées terrifiantes avec des résidents qui peuvent être atteints à près de 60% et des équipes salariées touchées à près de 50%. Il a pu y avoir alors des décès en série. Le tout avec assez peu d’aide des autorités sanitaires locales. Ce sont ces établissements qu’il faudrait soutenir en urgence absolue mais cela est extrêmement compliqué car ils sont dans une zone déjà très touchée et proche de la saturation. Il ne reste alors aux directeurs qu’à tenter de stabiliser les cas qui peuvent l’être et dans la pire configuration accueillir les décès. (cf. notre article sur le Grand Est)

Le MMR : Combien d’établissements se trouvent selon vous dans cette zone rouge dramatique ?

F.A.M. : Nous estimons aujourd’hui les établissements en zone rouge à environ 40 ou 50. Comme je vous le disais la grande majorité n’est pas impactée par le virus. Et pour les Ehpad impactés, il y a heureusement plusieurs types d’infections. Même à 85 ans on n’est pas infecté de la même manière. Certains cas se révèlent moins graves que d’autres. On peut avoir des infections légères avec peu de symptômes, des cas plus graves mais qui peuvent être stabilisés. Pour preuve cette personne de 95 ans en Italie qui est sortie de l’hôpital.

On espère pour les établissements dans ce cas c’est-à-dire avec quelques résidents infectés mais qui peuvent être stabilisés qu’ils vont pouvoir sortir de la zone épidémique. Nous avons quelques établissements qui nous déclarent ne plus avoir de nouveaux cas de coronavirus après 3 semaines de crise et cela est extrêmement rassurant. D’autres établissements en revanche 3 semaines après continuent de lutter contre l’épidémie.

Le MMR : Dès lors qu’il y des cas avérés dans les établissements, le confinement n’est plus suffisant.  Quelles sont alors les mesures que vous préconisez et surtout quels sont les moyens mis à votre disposition ? 

F.A.M. : Olivier Véran a proposé, à notre demande, un dispositif de soutien sanitaire autour des Ehpad. Ce soutien, nous en bénéficions dans les zones à faible tension. En revanche nous n’arrivons pas à en bénéficier dans les zones à forte tension. C’est un vrai problème car c’est une perte de chance de survie pour un certain nombre de résidents. Aujourd’hui les principales revendications du Synerpa sont d’obtenir enfin ce soutien sanitaire massif autour des établissements les plus en crise, et lorsqu’on a plus de 5 résidents touchés par le virus on peut considérer que l’on est en crise.

Et notre deuxième revendication est que dans les établissements faiblement touchés, on puisse effectuer des tests afin de pouvoir calibrer notre soin et notre confinement.

Notre troisième revendication consiste à obtenir plus de masques chirurgicaux, obtenir surtout des masques FFP2 mais également des protections intégrales. C’est essentiel pour les établissements en crise grave mais également pour les établissements qui ont quelques cas d’alerte et qui ont besoin de protéger salariés et résidents contre la propagation du virus.

Le MMR : Comment se passent les relations avec le Ministère?

F.A.M. : Bonnes, nous sommes entendus et écoutés. Nos revendications sont globalement prises en compte. Nous avons des relations quasi-quotidiennes avec le Ministère.

Le MMR : La communication avec les ARS est-elle fluide et de bonne qualité ?

F.A.M. : Avec les ARS les relations sont moins simples car elles ont beaucoup de problèmes de coordination. Cette crise montre que les DGARS auraient intérêt à se parler tous les lundis matins pour faire le point, se coordonner et fixer les priorités.

Pour donner un exemple, nos adhérents sont harcelés par des demandes de retours d’informations quotidiennes plusieurs fois par jour. Cela émane de l’ARS, des pompiers, de la DT, de la DG, du département, des préfets, des gendarmes qui envoient tous des questionnaires à remplir dans la journée ! Nous avons demandé à nos adhérents de ne plus remplir tout ça et de ne remplir que la plateforme quotidienne mise en place par le Ministère. Nous n’avons matériellement pas le temps de sauver des vies, protéger nos résidents, nos salariés et répondre à tous les questionnaires. C’est hors de question nous ne serons pas victimes de cet emballement. Pour nous, c’est aux ARS de répondre à toutes les autorités qui en font la demande et ce n’est aux Ehpad de le faire. Nous prenons déjà beaucoup de temps pour les retours d’informations et il y a finalement assez peu d’aide sanitaire fournie. Bref les EHPAD sont sous pression, il serait opportun que les ARS n’en ajoute pas davantage. 

Le MMR : Le risque de décompensation est une problématique qui s’ajoute évidemment à celle du virus. Après 3 semaines de confinement qu’en est-il en réalité ?

F.A.M. : Nous avons eu très peur de la décompensation notamment avec le confinement en chambre mais grâce à nos équipes extrêmement motivées, pour l’instant, cela se passe plutôt bien. Pour autant il est évident qu’en cas de forte décompression d’un résident nous mettrions en place une procédure exceptionnelle sécurisée pour permettre à la famille de venir.

Nous le savons, avec cette maladie, le contexte peut changer du tout au tout en quelques heures. C’est pourquoi une communication en continu avec les familles concernées est essentielle. Le bulletin de santé quotidien vers les familles dont le proche est atteint du Covid est primordial car dans le cas où un décès intervient, il n’y a que quelques heures pour que la famille puisse venir. A cause de la forte viralité de la maladie, on ne bénéficie que de 4 à 5 heures entre le décès et la mise en bière.

Le MMR : Avez-vous déjà une estimation du nombre de décès dus au covid-19 dans vos établissements adhérents ?

F.A.M. : Non car en temps normal, ce décompte des décès ne se fait jamais vers les ARS mais vers l’état civil. Il a donc fallu mettre en place une nouvelle procédure diligentée par le cabinet du Ministre. Depuis dimanche 29 mars il a été mis en place une nouvelle plateforme nationale de remplissage pour signaler les décès. Nous demandons à nos adhérents conformément aux directives ministérielles d’y aller quotidiennement pour instruire le questionnaire.  Dès lors nous pourrons espérer avoir un décompte régulier.

Propos reccueillis parElsa Maarek


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