
Coronavirus en Ehpad : état d’urgence
Compte rendu rapide ici de l'actualité des derniers jours
Hier soir, Emmanuel Macron a tenu un discours fort rendant hommage aux personnels soignants et formulant quelques propositions très concrètes sur le chômage partiel, l’étalement des charges des entreprises ou la nécessaire coordination européenne.
A l’évidence, la situation est désormais suffisamment grave pour que l’attention des professionnels soit entièrement concentrée sur la gestion du Coronavirus.
prévoit l’interdiction des visites en Ehpad
Les choses sérieuses ont commencé mardi dernier lorsque s’est tenue une réunion au Ministère de la Santé en présence de Virginie Lasserre, directrice générale de la Cohésion Sociale et de l’ensemble des fédérations.
La FHF, la FEHAP et le SYNERPA ont demandé que des mesures fortes soient prises pour limiter les allées et venues dans les établissements. Le Ministère a pris acte de cette urgence et a publié dès le lendemain, mercredi 11 mars, une information demandant que « l’intégralité des visites de personnes extérieures à l’établissement (soit) suspendue » en Ehpad et unités de soins de longue durée (USLD). Il a également indiqué qu’elles étaient « fortement déconseillées » en résidences autonomie. En concluant que « cette mesure exceptionnelle, rendue nécessaire par une situation sanitaire exceptionnelle » serait levée « dès que la situation le permettra ».
Cette décision manque probablement d’une base légale sérieuse. Mais l’important n’est pas là. Il s’agit d’un soutien dont avaient besoin les Ehpad pour sensibiliser les familles et les visiteurs à l’urgence de la situation.
Pour Florence Arnaiz-Maumé, déléguée générale du Synerpa, particulièrement en pointe sur ce sujet et extrêmement présente dans les médias depuis 10 jours (BFM, RTL, France 5…), il était essentiel que le Ministère prenne cette décision forte en soutien aux établissements pour leur permettre de combattre la propagation du virus.
Mais une telle mesure doit évidemment être appliquée avec tact et humanité. Il ne saurait être question en effet de priver de visite un résident de son conjoint si on constate que cette absence crée une décompensation dangereuse. De la même façon que personne n’envisage que des familles puissent être dans l’incapacité de rendre visite à un membre de leur famille en fin de vie. Séverine Laboue, administratrice de la FHF et directrice du CH de Loos-Haubourdin (Nord) a précisé dans un tweet qu’elle « autorisait les visites (de manière encadrée) même d’un mineur dont le papa est en train de « partir » ».
Il n’en fallait pourtant pas plus pour que la polémique enfle et que les journalistes cherchent (et trouvent) des familles protestant contre ces mesures de sécurité. Problème : elles ont trouvé aussi des professionnels pour atténuer le consensus général pourtant utile dans ces moments de crise.
Les « Oui, mais… » ont eu leur porte-parole : l’inénarrable Pascal Champvert. Ainsi dans un reportage diffusé ce jeudi dans le JT de 13h de France 2, des familles témoignent leur parfaite compréhension des mesures momentanées de confinement. Or c’est le directeur lui-même, Pascal Champvert justement, qui préfèrera adresser à la population un tout autre message : « Nous sommes au quotidien en sous-effectif donc si en plus les familles ne peuvent plus venir vous voyez bien la situation d’isolement dans lesquelles vont se trouver beaucoup de résidents d’établissements ». Le jour même, l’AD-PA publiait un communiqué pour indiquer que la directive ministérielle allait « limiter nécessairement la liberté (des résidents), au détriment de leurs possibilités de sorties et de visites de leurs familles, de leurs amis et d’autres intervenants extérieurs ». Ben oui… c’est même justement l’objectif !
Dans le même esprit, le fondateur d’Humanitude, Yves Gineste, dans un post Facebook très lu et commenté, a regretté « qu’une administration de tutelle puisse prendre des mesures coercitives sans que cela passe par la justice ». « Ce qui tue le plus les vieux à l’hôpital, c’est le delirium. (…) Le risque morbide augmente de 10 à 30 fois en cas de délirium. Or, le docteur Miwako Honda avec lequel je travaille en ce moment au Japon, constate que depuis les restrictions de visites dans l’hôpital il y a une augmentation importante des delirium » a-t-il poursuivi dans un post qui a reçu des centaines de likes.
Pendant ce temps, les directeurs d’Ehpad qui exercent sur le terrain en France plutôt qu’auprès du cher Dr Miwako Honda au Japon semblent avoir une autre lecture des évènements. Romy Lasserre, directrice de l’Ehpad Péan (groupe ACPPA) dans le 13ème arrondissement de Paris – cet Ehpad où Emmanuel Macron a effectué une visite la semaine dernière – témoigne : « Dans l’ensemble les familles le prennent plutôt bien et les résidents aussi. Des plannings Skype, WhatsApp, Messenger sont proposés aussi aux familles. Nous allons en profiter pour refaire des ateliers carte postale ou des ateliers écriture ».
Toujours sur France 2, on a vu Delphine Mainguy, la directrice générale du groupe Maisons de Famille expliquer qu’une salle avec un ordinateur était désormais réservée à toutes les communications Skype organisées entre les résidents et leurs familles. On voit aussi fleurir sur les réseaux sociaux des initiatives permettant de multiplier les modes alternatifs de communication. Pierre Gouabault, directeur d’un Ehpad public dans le Loir-et-Cher, a publié ce jeudi un tweet où il montre une visio-conférence en cours avec des artistes.
Hier soir à 20h00, Emmanuel Macron s’est exprimé devant les français. Il a rendu un vibrant hommage aux personnels soignants mais a aussi et surtout annoncé la fermeture des crèches, des écoles, des collèges et des lycées pour plusieurs semaines.
A l’évidence, cette mesure va très fortement impacter notre secteur nombre de personnels soignants en Ehpad étant constitués de familles monoparentales. Les personnels étaient déjà sous tension : à partir de lundi va venir s’ajouter la question de la garde des enfants. Pour Nathalie Viteau, directrice de l’Ehpad associatif d’Arles, l’Enclos Sainte Cézaire, « la première inquiétude est en effet pour l’absentéisme pour garde d’enfant ». Mais elle pointe aussi du doigt un autre souci majeur : « la gestion des malades quand l’hôpital ne pourra pas les prendre en charge. Le sentiment d’impuissance va être terrible ». On nous a ainsi raconté sous le sceau de l’anonymat cet épisode d’une ambulance déposant un résident revenant d’hospitalisation devant l’Ehpad avec des ambulanciers repartant aussitôt sans donner la moindre explication. Quand les lits d’hôpitaux seront plus encore mobilisés dans les jours à venir, il est certain que les résidents d’Ehpad auront du mal à se faire une place à l’hôpital.
Pour l’heure, nul n’est en capacité de prédire l’ampleur que le virus va prendre en Ehpad. Certes, la presse locale égrène jour après jour les Ehpad qui recensent des patients atteints : on évoque ainsi 5 résidents atteints dans un Ehpad de Saint Quentin dans l’Aisne, 4 dans l’Ehpad le Couarôge dans les Vosges, 2 à Louveciennes dans les Yvelines, 1 à Sillingy en Haute Savoie… Mais au-delà de ces informations totalement partielles et localisées, l’épidémie est évidemment beaucoup plus répandue déjà sans qu’on sache avec précision à ce stade son impact dans les 7000 Ehpad de France.
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