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4 avril 2020

Comment nos voisins europeens affrontent la crise

paru dans Le Mensuel des Maisons de Retraite

Tous les pays européens sont évidemment confrontés à la crise du COVID-19 qui a un impact profond et crucial sur toutes les maisons de retraite (mais aussi les résidences autonomie et les services à domicile) d’Europe. Chaque pays de l’UE en souffre et essaie de trouver des solutions. Petit tour d’horizon de certains d’entre eux, notamment l’Italie et l’Espagne, qui nous précèdent de quelques jours dans la pandémie.

Certains sont plus particulièrement touchés, Italie en tête, suivie de l’Espagne et de la France. D’autres pays nous suivent de près, comme la Belgique. D’autres encore, dans le Nord de l’Europe, sont un peu plus loin que nous de la pandémie. C’est le cas de la Suède ou des Pays-Bas.

Une gestion de la crise propre à chacun

Dans notre secteur, l’Italie reste le pays qui a subi les plus lourdes pertes. Le taux de mortalité chez les personnes âgées en général varie aujourd’hui selon les régions de 3,5 à 13%, et peut monter dans certains établissements jusqu’à 50 ou 60 %. Les italiens tirent désormais trois leçons de leur expérience ou plutôt trois erreurs principales : ne pas avoir fait suffisamment de prévention, ne pas avoir testé massivement, à commencer par l’ensemble des professionnels (et pas uniquement les personnels hospitaliers) qui sont tous des « ­véhicules du virus », et avoir eu recours trop facilement à l’hospitalisation qui est un vrai nid à virus, selon eux. Les professionnels italiens préconisent vivement de privilégier le confinement et l’isolement à domicile et en établissement.

La situation de l’Espagne est un peu particulière, bien que l’on manque de données fiables. 15 à 20 % des établissements du territoire auraient des résidents identifiés positifs au Covid (nous n’en sommes certainement pas très loin en France). Ils ne disposent pas non plus de données sur le taux de mortalité. Surtout, les professionnels se sentent seuls face à la pandémie et totalement abandonnés par leurs autorités nationales comme régionales. Le gouvernement se désintéresse des établissements et se concentre sur les hôpitaux et les problématiques économiques du pays. A défaut de soutien, les professionnels sont pointés du doigt et tenus responsables des décès à déplorer dans leurs établissements, et sont assommés de protocoles médicaux totalement impossibles à mettre en œuvre en maison de retraite. Echanger avec les collègues espagnols permet de relativiser les défaillances françaises. Car il faut avouer que nos autorités nationales ont pris la mesure des enjeux du secteur, et qu’il existe une réelle coopération avec les professionnels pour tenter de résoudre les problèmes.

Et puis il y a les pays où toutes les parties prenantes sont tournées vers l’objectif de protection des plus âgés. Et comme d’habitude, la Suède est à citer en exemple. Le gouvernement a clairement pris les choses en main et diffuse de nombreuses recommandations. Les personnes de plus de 70 ans sont systématiquement confinées à domicile ou en maison de retraite, les mesures barrières sont très respectées, au moindre symptôme le salarié est renvoyé chez lui pour 14 jours tout en étant payé, et les étudiants sont réquisitionnés en renfort.

Points communs à tous : pénurie de protection, confinement…

Partout, à quelques exceptions près, la pénurie de masques fait rage, tout comme le manque de tests. Face à cela, la prévention a clairement été sacrifiée, soit en choisissant de négliger complètement le secteur médico-social dans certains pays, soit en distribuant les masques uniquement dans les cas de Covid avérés.

Le confinement apparait partout comme l’unique solution à la propagation du virus. La réflexion éthique sur le confinement et l’enfermement des personnes, en particulier celles qui ont des troubles cognitifs, se pose donc également partout, et personne n’a trouvé la réponse. Des stratégies différentes sont mises en œuvre dans certains pays comme les Pays-Bas ou encore l’Angleterre, où le confinement est moins strict, et misent sur la responsabilité des individus, au risque de laisser le virus se répandre, peut-être pour que le maximum de personnes soient immunisées. Mais il s’agit de pays qui ne sont pas encore trop touchés par la pandémie, il est donc encore trop tôt pour évaluer ces politiques.

La question de la sélection des patients par l’âge se pose elle aussi dans tous les pays d’Europe, notamment pour l’hospitalisation et la réanimation. Ce qui pose évidemment une question éthique majeure. A ce jour, seule la Suède a clairement réaffirmé que l’âge n’est en aucun cas un critère mais bien l’état de santé des personnes. C’est une interrogation que nous avons décidé de soumettre à la Commission Européenne.

… et solidarité

Malgré tout, on constate un point positif et inspirant partout en Europe : le développement d’élans de solidarité autour des personnes âgées et de leur protection. Depuis l’Espagne, où l’association Médecins Sans Frontières s’est fortement impliquée en Catalogne pour soutenir les professionnels en termes de matériel et compétences, jusqu’à la marque Absolut Vodka en Suède, qui a transformé sa chaine de production pour subvenir aux besoins en solutions hydro alcooliques et ainsi permettre au pays de ne pas souffrir de pénurie. Voilà au moins un exemple que l’on pourrait suivre. Je suggère vivement à Olivier VERAN de saisir nos fleurons de l’industrie de l’alcool pour fournir d’urgence des solutions hydro-alcooliques à tous les établissements de France !

par Didier SAPY
Directeur Général de la FNAQPA
Membre de l’Executive Board
du Réseau Européen du Vieillissement
(European Ageing Network)


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