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6 mai 2020

Chronique au temps du coronavirus

Cafouillage sur les tests, précipitation dans l’annonce de la réouverture du droit de visite, hésitation sur la prime gouvernementale aux personnels en Ehpad, prise en charge des surcoûts générés par la crise : l’actualité fut dense ces quinze derniers jours.

où il est question de tests, de droit de visite, de primes et d’argent…

Au fond, cette crise telle que nous la vivons depuis le 11 mars, soit depuis le début du confinement en Ehpad, aura connu des phases thématiques. Au confinement en Ehpad aura succédé le confinement dans le confinement lorsqu’il s’est agi de demander aux résidents de rester dans leur chambre. Il y aura eu ensuite l’épisode « masques » : pendant plusieurs semaines l’ensemble des Ehpad sera en quête désespérée de protections pour les personnels et les résidents. Aujourd’hui, sur ce front, la tension est moindre. Nous sommes entrés ensuite dans la phase « tests » quand le Ministère a indiqué qu’ils seraient attribués prioritairement aux Ehpad mais qu’une circulaire venait aussitôt en limiter la diffusion aux salariés mais très partiellement aux résidents eux-mêmes. Enfin, depuis quelques jours l’épisode « moyens financiers » monte en puissance dans des Ehpad, publics ou privés, qui commencent désormais à chiffrer les pertes non plus en vies humaines cette fois mais en euros.

Les tests : qui et combien ?

Dès le 21 avril, l’ARS Ile-de-France affirmait sa volonté de tester dans les 3 semaines tous les résidents et tout le personnel des Ehpad de la région. Quelques jours plus tard, l’ARS Occitanie déclarait avoir procédé, au 22 avril, à 11.000 dépistages en Ehpad. Sur 6.500 résidents, 582 cas se sont révélés positifs ; sur 4.700 agents testés, 277 cas ont été positifs. Soit 859 cas positifs sur 11.000, un taux de 7,8% seulement dans une des régions les moins touchées de France.

Pour Axelle Parent, directrice de l’Ehpad du Domaine du Lac à Condé-sur-l’Escaut dans le Pas-de-Calais : « cette démarche de dépistage comporte un intérêt et une difficulté. S’il est positif, cela permet de rechercher les cas de contacts et limiter la propagation. Mais à l’inverse, quand le test revient négatif, et qu’il est réalisé seulement 1 fois chez un salarié qui n’est pas confirmé, cela ne prédit pas non plus qu’il ne soit pas contagieux les jours suivants. On peut être sorti de l’auberge mais ce n’est pas forcément le cas ». Un bémol exprimé plus loin dans ces colonnes par Frédéric Valletoux, président de la FHF qui insiste sur la nécessité de procéder à ces tests très régulièrement.

Arnaud Rousseau, directeur général des Orchidées, groupe associatif basé dans le Nord, attend le déconfinement : « à partir du 11 mai, les professionnels vont passer du temps avec leurs proches qui eux-mêmes vont retourner au travail, à l’école, etc. La prochaine étape, elle est là et c’est là que les tests auront leur importance ».

Le 25 avril, Olivier Véran indiquait que nous étions parvenus à livrer 50.000 tests par jour et que l’objectif était de permettre la livraison de 700.000 tests par semaine à partir de la mi-Mai.

Réouverture du droit de visite des familles : vitesse et précipitation…

Autre sujet de la dernière quinzaine : la reprise du droit de visite des familles à leurs proches en Ehpad. Au fond, cette réouverture des Ehpad était demandée par les Ehpad eux-mêmes qui commençaient à voir ici ou là les effets délétères auprès de certains résidents de ce confinement prolongé et de cette rupture affective préjudiciable.

© REUTERS / CHRISTIAN HARTMANN – stock.adobe.com

Voyant la pression monter, Jérôme Guedj, missionné par le Ministre sur l’isolement des personnes âgées, a réuni les fédérations le vendredi 17 mars en réunion « zoom » pour lister les conditions permettant que reprennent les visites en toute sécurité. Et dès le samedi 18, il remettait ses préconisations à Olivier Véran. Mais, à la surprise générale, le dimanche soir, lors de la conférence de presse conduite par le Premier Ministre et le Ministre de la Santé, ce dernier a annoncé la réouverture du droit de visite… pour le lendemain, lundi 20 avril. Ce qui devait arriver arriva : dès le lendemain matin les standards des Ehpad explosaient sous la pression de familles demandant la marche à suivre pour voir leur parent.

Le principe de la charrue avant les bœufs a ici pleinement fonctionné puisque les Ehpad ont été invités à accueillir de nouveau des familles sans la moindre marche à suivre, le ministère n’ayant pas eu le temps de transformer les recommandations de Jérôme Guedj en Protocole officiel. Votre journal préféré s’est alors incrusté dans cette histoire en renvoyant à tous les Ehpad de France les recommandations de Guedj dès le lundi midi. Résultat : 5.900 téléchargements en une demi-journée. Du jamais vu dans l’histoire de nos Newsletters. Mais une initiative utile puisqu’elle a permis à des milliers de directeurs d’avoir dès le lundi des indications opérationnelles. Le protocole envoyé par le Ministère le lendemain matin reprenait de toute façon – en un peu moins clair – les dispositions du rapport Guedj. Le SYNERPA a d’ailleurs immédiatement communiqué en demandant à ses adhérents de ne pas se précipiter et d’organiser les visites une fois pris l’ensemble des mesures de sécurité.

Il fallait en effet que chaque Ehpad imagine le lieu de ces rencontres. « J’ai eu peur que les journalistes commencent à parler de “parloir” », confie Arnaud Rousseau. Et effectivement, on y a eu droit… Dans ses résidences lui « a plutôt privilégié les espaces intérieurs avec une porte dédiée pour le visiteur. Car à l’extérieur, il y aurait eu plus de risques. Et on s’entend moins bien à l’extérieur ». Mais le directeur des Orchidées salue un autre aspect : « ce que j’ai trouvé très bien dans les mesures telles qu’elles ont été annoncées, c’est que beaucoup de choses ont été mises sous la ­responsabilité du directeur, lui permettant de faire du sur-mesure ». Bémol en revanche du côté d’Axelle Parent : « Je regrette quand même le délai entre l’annonce et la publication du protocole. Les familles ont été très déçues. On a dû mettre les choses en place très rapidement ». Pour cette directrice du groupe privé Domidep : « les équipes ont bien accueilli cette nouvelle. Mais évidemment, cela augmente la charge de travail à laquelle il faut faire face ».

Après les masques, les tests et les visites, les directeurs d’Ehpad sont désormais contraints de commencer à penser à l’après. L’après, oserait-on dire, c’est maintenant ! Et l’après est fait d’espèces sonnantes et trébuchantes.

Des primes et des sous

Car la crise a eu un coût. En personnel de remplacement. En heures supplémentaires. En frais d’hôtel et de transport. En masques, surblouses, charlottes et autres équipements. En tablettes numériques. Bref : il va bien falloir maintenant que quelqu’un paie. Surtout dans un contexte où les recettes vont chuter en raison de la suspension des nouvelles admissions et de la chute corollaire des taux d’occupation. Pour l’heure, les pouvoirs publics se veulent rassurants. Le Cabinet du Ministre de la Santé comme la DGCS expliquent aux fédérations que, bien évidemment, tous les frais liés à la crise du Covid seront pris en charge. La présidente de la CNSA, Marie-Anne Montchamp, a évoqué un Fonds d’Appui permettant de financer « en circuit court » les établissements qui en ont besoin. Et ce, sans attendre le PLFSS pour 2021.

Elle a émis également l’idée que le soutien financier pourrait être modulé en fonction des régions. « Dans la période actuelle » a-t-elle indiqué lors de son audition devant la Commission des Affaires Sociales de l’Assemblée Nationale le 22 avril dernier, « un ESMS à Mulhouse, ce n’est pas la même chose qu’un ESMS de Mont-de-Marsan. A Mont-de-Marsan, il ressemble furieusement à l’ESMS d’avant. A Mulhouse, c’est un ESMS qui a fait des choix pour faire face à la crise dans des conditions tout à fait inédites ». Virginie Magnant, directrice générale de la CNSA, avait par ailleurs rappelé dans notre précédente édition que les mesures nouvelles du PLFSS pour 2020 étaient importantes et qu’elles n’avaient même pas encore été distribuées à tous.

Puis, le 27 avril, la DGCS a publié une instruction récapitulant les dispositifs applicables aux ESMS les appelant à faire remonter leurs surcoûts ainsi que leurs baisses de recettes. Cette instruction assure aussi une « garantie générale du maintien des financements » y compris quand l’Ehpad a connu une sous-activité voire une fermeture temporaire. Bon, on ne va pas piquer de pognon aux établissements, c’est déjà ça ! Par ailleurs, cette même circulaire confirme que la transmission des ERRD ou des CA pour l’année 2019 se fera avant le 30 août 2020 (au lieu du 30 mars en temps normal).

Quant à la prime versée aux personnels en Ehpad, rien ne paraissait bien évident à l’origine. Si dès le 16 avril, Edouard Philippe annonçait qu’une prime serait versée aux personnels des Ehpad – sur le modèle de celle déjà annoncée pour les personnels des hôpitaux publics – nombre de questions restaient en suspens, que les organisations professionnelles ont soulevé le 23 mars lors du Conseil de la CNSA. Notamment deux : la prime en Ehpad sera-t-elle équivalente à celle versée aux personnels hospitaliers ? Et concernera-t-elle uniquement les soignants ou bien tous les personnels, quelle que soit leur catégorie, qui ont été mobilisés dans les Ehpad durant la crise ? Ces questions, au moment où nous bouclons ce 4 mai, restaient toujours sans réponses.

Une autre question va se poser avec acuité dans les prochaines semaines : celle de la réouverture des admissions. Arnaud Rousseau en est certain : « Dans les 6 mois, on n’aura sans doute pas d’admission ». Et comment juger désormais de la réaction des français ? « On ne sait pas anticiper le comportement des personnes âgées et de leurs familles après la crise » s’inquiète le directeur général des Orchidées. « Vont-ils se ruer vers les Ehpad en se disant heureusement qu’ils sont là ou bien les verront-ils comme un lieu de privation de liberté et ne voudront-ils plus y aller ? ». Certains Ehpad ont repris tout doucement les admissions mais, dans le public comme dans le privé, personne ne se fait d’illusions sur les traces que va laisser la crise pendant encore de longs mois.

Car, et c’est une évidence désormais pour tous : l’état d’urgence est loin d’être terminé en Ehpad. Tant qu’un vaccin n’aura pas été trouvé, la prudence sera de mise tout au long de la période qui s’ouvre. Quant aux personnels, beaucoup risquent de sortir usés et crevés de cette très longue période. Il n’y aura alors plus qu’à espérer que ne viendra pas s’ajouter à la persistance du Covid un été caniculaire.


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