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15 juin 2021

CDC Habitat, Enéal, Arcade-Vyv : de l’argent pour les murs du but non lucratif

Au-delà des plans d’investissement de la CNSA, des foncières s’intéressent de près au secteur à but non lucratif. Vincent Mahé, directeur général de CDC Habitat nous en dit plus.

Au moment où la CNSA va devoir sur 5 ans déconcentrer 1,5 millions d’euros de crédits aux ARS pour rénover Ehpad et, en moindre mesure, résidences-autonomie, d’autres structures s’organisent pour apporter également des fonds permettant la rénovation immobilière du secteur, et notamment du secteur à but non lucratif. Dominique Libault avait évalué à 15 milliards d’euros la somme nécessaire pour rénover les 150.000 places qui le méritent. Or, les Plans d’Aide à l’Investissement (PAI) de la CNSA en 15 ans ont permis de mobiliser … 1,7 milliard d’euros. Une somme certes importante mais mineure par rapport aux besoins.

Car quelques chiffres laissent pantois. Selon la Drees, 36% des EHPAD, soit 3 659 établissements, n’ont pas connu de rénovation depuis l’entrée en vigueur de la réforme de la tarification en 1999. Dans l’ensemble des lits pour personnes âgées, on trouve encore 8% de chambres doubles avec un taux de 26% dans les USLD et de 10% dans les Ehpad publics. On trouve aussi encore 15% de chambres sans douches : un taux qui atteint même 25% dans les Ehpad publics lesquels sont décidément les plus en demande de rénovation immobilière.

Selon la Drees,
36% des EHPAD, soit 3 659 établissements, n’ont pas connu de rénovation depuis l’entrée en vigueur de la réforme de la tarification en 1999.

Les PAI n’y suffiront donc pas. Or, trois foncières ont fait récemment de l’investissement dans le secteur personnes âgées une de leurs priorités. Action Logement d’abord. Le bailleur qui gère plus d’un million de logements en France a créé en janvier 2020 une filiale dédiée baptisée Enéal qui s’est dotée d’un fonds de 350 millions d’euros. Le but d’Énéal ? Proposer aux acteurs publics ou privés à but non lucratif d’acquérir les murs de leurs Ehpad, de leurs Résidences Autonomie ou de financer des opérations ambitieuses de rénovation et de réhabilitation. Mais Enéal a mis aussi plusieurs dizaines de millions d’euros pour soutenir les gestionnaires d’établissements à travers leur contrat POP : le Contrat Partenarial d’Objectifs Partagés. Un contrat qui permet d’insuffler de l’innovation, du numérique, de soutien ou de l’ingénierie aux établissements, au-delà même de la seule question immobilière. Mario Bastone, le directeur général d’Enéal qui dirigeait auparavant Logévie, la filiale spécialisée dans l’habitat des seniors du groupe, croit beaucoup à cette idée d’accompagner les acteurs du secteur associatif dans leur quotidien considérant qu’on ne peut séparer les « murs » du « projet ». Raison pour laquelle les gestionnaires sont invités à signer une Charte des Valeurs qui les lie à Enéal. Ce qui amène du coup la filiale d’Action Logement à faire feu de tout bois en étant présente dans l’écosystème à travers de nombreux Webinaires, en multipliant les contacts avec les grands opérateurs voire même en signant un partenariat un peu loufoque avec l’Agence des … médecines alternatives.

Plus discrète, l’action d’Arcade qui a créé en 2019 une foncière avec le groupe mutualiste Vyv, après avoir créé en 2017 Croix-Rouge Habitat avec la Croix-Rouge. Le directeur général d’Arcade-Vyv, Jacques Wolfrom, co-auteur par ailleurs avec Denis Piveteau du rapport ministériel très remarqué de 2020 sur l’habitat inclusif, a su réunir autour de l’enseigne Arcade-Vyv de nombreux organismes qui se sont spécialisés dans le « logement santé ». Aux côtés d’Enéal et de CDC Habitat, Arcade-Vyv pourrait donc jouer un rôle majeur dans la restructuration et le développement de l’offre médico-sociale à but non lucratif.

Mais c’est CDC Habitat, filiale de la Caisse des Dépôts qui devrait déployer l’effort le plus conséquent dans les prochaines années avec 1,5 milliard d’euros d’investissement. Vincent Mahé, directeur général de CDC Habitat explique dans l’entretien qu’il nous a accordé le programme ambitieux de la Caisse.

A voir désormais comment les pouvoirs publics comptent articuler leur effort avec toutes ces initiatives menées par des groupes ou foncières privés qui se sont donnés pour objectif de soutenir principalement le secteur à but non lucratif.


4 questions à…
Vincent Mahé
directeur général de CDC Habitat

Ancien directeur de cabinet de Philippe Bas lorsque celui-ci était ministre en charge des personnes âgées en 2005-2007, cet énarque assumé a depuis fait carrière dans la banque puis dans l’immobilier. Bon connaisseur donc du monde des personnes âgées, il explique ici la stratégie de CDC Habitat, la filiale immobilière de la Caisse des Dépôts.

Le MMR : Combien à CDC habitat mobilisez-vous de fonds en direction du secteur personnes âgées et pour quoi faire ?

Vincent Mahé : Il y a bien sûr le montant : nous engagerons plus d’un milliard et demi d’euros pour l’habitat des « personnes âgées » dans les cinq prochaines années. Mais au-delà de ces chiffres, il y a surtout la conviction que le logement des seniors n’est pas uniforme, qu’il y a un continuum de solutions entre lesquelles la réglementation a tendance à créer des barrières. Il faut donc au contraire redonner une vision d’ensemble, tout en étant capables d’intervenir sur toute l’offre : c’est pourquoi nous avons défini quatre leviers d’action.

Le premier porte sur la modernisation immobilière des établissements construits à l’aide des prêts du logement social, qu’ils aient le statut d’Ehpad ou de Résidence Autonomie. 400 millions sont consacrés à ce programme tourné vers les établissements les plus sociaux, presque exclusivement gérés par des acteurs à but non lucratif. Pour l’heure c’est notre filiale « CDC Habitat social », regroupement de nos 13 entreprises sociales de l’habitat (ESH) qui gère ces investissements, comme par exemple la plateforme gérontologique de Villiers-le-Bel gérée par Arpavie dont nous avons posé la première pierre à l’automne dernier. Mais à partir de 2022, nous créerons une foncière distincte qui se spécialisera dans ce type d’établissements.

La deuxième orientation – 400 millions d’euros également – se déploie autour de notre foncière médico-sociale détenue à 40% par CDC Habitat et à 60% par des investisseurs de long terme, notamment mutualistes. Là, on se concentre sur les Ehpad qui, quel que soit leur statut, pratiquent des prix de journée autour de 60-70€. Nous voulons soutenir les Ehpad généralement à but non lucratif qui offrent une solution intermédiaire en termes tarifaires, avec l’idée que l’immobilier joue un rôle stratégique pour mieux accompagner la dépendance : opérationnellement, parce que le redimensionnement des établissements est souvent la seule manière d’améliorer l’encadrement en personnel ; socialement, parce que le prix de l’immobilier est souvent ce qui reste à la charge des familles, dans la mesure où la Sécurité sociale finance le budget des soins. Nous aidons aussi les hôpitaux à restructurer leur offre de soins de longue durée.

Le MMR : Restent deux autres leviers…

V.M. : En effet, un troisième volet de notre action concerne les Résidences Services Seniors pour 600 millions d’euros. Là nous investissons dans les murs de RSS généralement portées par des groupes privés. Enfin, une quatrième direction consiste à promouvoir des logements familiaux qui sont fléchés en direction des personnes âgées. Pour ce faire, une enveloppe de 100 millions d’euros est prévue.

Le MMR : Vous ciblez aussi les résidences autonomie ?

V.M. : Oui. Il ne faut pas que leur rattachement initial au secteur social se retourne contre elles. Comme les EHPAD construits avec les prêts du secteur HLM, le système était conçu pour financer l’investissement initial, pas pour l’entretenir ou le rénover. Du coup, les retards se sont accumulés et il faut souvent repartir à zéro aujourd’hui en se posant des questions très simples : doit-on rénover à l’identique (c’est rarement le cas) ou faut-il reconstruire ? Faut-il regrouper deux établissements en un ? Au-delà du coût d’acquisition, ce qui va compter pour ces structures, c’est le coût de l’investissement nécessaire pour remettre l’établissement à flot et la qualité du projet mis en place par le gestionnaire.

Le MMR : Entre la CNSA et les investisseurs privés, comment considérez-vous votre mission ?

V.M. : Avant d’être une mission, c’est un métier, « comme de faire une pendule ». Nous avons donc commencé chez CDC Habitat par constituer une véritable filière placée sous la responsabilité de Delphine Pavy, directrice du pôle associatif et médico-social. Son objectif est de gérer tous les aspects immobiliers quel que soit le type d’établissement ou la réglementation dont il dépend, en étant capable de créer des ponts pour introduire de la mixité et tirer le meilleur de chaque environnement. Ce faisant, nous intervenons clairement dans un cadre d’intérêt général pour les deux premiers axes que je mentionnais plus haut : en venant soutenir les établissements qui ont une mission sociale ou ceux qui pratiquent des tarifs intermédiaires, la Caisse est au cœur de sa mission de service public. Dans les autres domaines, nous sommes plus proches des opérateurs classiques présents sur le marché : compte tenu de l’ampleur des besoins, nous partons du principe que tout ce qui peut se financer par le secteur privé doit l’être. Nous avons également mis en place une association, La Clé Solidaire, capable de soutenir l’activité des gestionnaires dans leurs diagnostics immobiliers ou en matière de services supports (informatique, politique d’achats…).


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