
Actus dom’ – Data dom’ – C’est dit
Les news de novembre 2018 analysées par nos soins
La valeur de l’aide à domicile
AdessaDomicile, en partenariat avec l’Ocirp, a publié le 16 octobre dernier les résultats d’une étude socio-économique originale confiée au cabinet Citizing. Une étude aux objectifs originaux, puisqu’il s’agit de rendre visible de façon chiffrée les impacts d’une politique publique d’aide à domicile sur le long terme, en termes de bien-être des personnes, de création de richesse ou encore de dépenses évitées pour la collectivité. Une première initiative mobilisant l’évaluation socio-économique pour objectiver la réelle utilité de l’aide à domicile et valoriser le secteur auprès des pouvoirs publics, chiffres à l’appui.
Les impacts sont étudiés par des techniques économétriques, puis exprimés en valeur monétaire, qu’il s’agisse d’impacts sur les personnes âgées, sur les aidants ou sur les finances publiques. Le coût que l’étude cherche à calculer est précisément le différentiel entre le coût de l’aide à domicile et celui de l’absence d’aide à domicile, c’est-à-dire tous les coûts induits par une dépendance accélérée (dégradation de l’état de santé, institutionnalisation, hospitalisation, etc.). On y apprend ainsi qu’une heure d’aide à domicile hebdomadaire sur une période d’un an pourrait diminuer la probabilité de recourir aux urgences de 11% pour les personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer et celle d’aller en EHPAD de 6%. Elle permettrait également de limiter le nombre et la durée des ré-hospitalisations. Au niveau national, l’étude arrive à la conclusion que si chaque personne âgée bénéficiait d’une heure par semaine d’aide à domicile durant un an, les bénéfices nets pour les finances publiques seraient de 1,5Mds €.
Si on peut toujours discuter des méthodes de calculs et de valorisation monétaire d’actes humains et bénévoles, l’étude démontre bel et bien le potentiel d’économies générées par les services d’aide à domicile sur le système de santé. Ce dernier est aujourd’hui clairement orienté vers le curatif, provoquant une asphyxie de l’Assurance Maladie, la surcharge des urgences ou encore un taux de plus en plus important de personnes âgées très dépendantes en EHPAD. L’étude invite donc à repenser l’approche du système de soins pour aller vers la prévention, en mettant l’aide à domicile au cœur du préventif. Une étude qui invite au fond à réfléchir en termes d’investissement et non uniquement de coût quand il s’agit du financement de l’aide à domicile. Une contribution que la mission « grand âge et autonomie » gagnerait à prendre en compte.
CICE c’est réglé
La non-compensation de la suppression du CICE (ou du CITS), avec entrée en vigueur prévue en janvier 2019, était le risque majeur de court-terme pour l’aide à domicile. Après moults allers-retours avec le Ministère et avec l’épée de Damoclès du PLFSS 2019, la mobilisation des acteurs du secteur a payé et une solution trouvée le 2 octobre dernier. Concrètement, elle consiste à substituer au dispositif précédent une exonération de cotisations sociales de plus grande ampleur que celles qui prévalaient jusqu’alors. Le dispositif démarre au SMIC à un seuil assez haut d’exonération de cotisations (40%) et ne devient dégressif qu’à partir d’1,2 SMIC, ce qui était capital, puisque concentrer les hautes exonérations sur le SMIC revient à enfermer les auxiliaires de vie dans de bas niveaux de salaires, avec le risque de déqualification que cela entraîne. L’exonération est ensuite dégressive de façon linéaire jusqu’à 1,6 SMIC avec une sortie à 22% d’exonérations, couvrant ainsi un spectre assez large de niveaux de rémunérations et de responsabilités.
Si le dispositif ne règle pas la question du financement du secteur dans la durée – mais telle n‘était pas sa vocation – il satisfait les fédérations professionnelles qui se sont félicitées de l’issue trouvée : l’UNA parle pour les SAAD d’une « garantie pour la préparation de leur budget 2019 », la FEDESAP « se réjouit de la prise en compte des spécificités du secteur de l’aide et de l’accompagnement à domicile » tandis que la FESP « s’estime globalement satisfaite des résultats de la négociation ». Une happy end unanimement approuvée, fait assez rare dans ce secteur pour être dûment souligné.
Risques professionnels, ça ne va pas mieux
Les diagnostics se suivent -et malheureusement se ressemblent- sur les conditions de travail dans l’aide et les soins à la personne. L’Assurance Maladie a ainsi lancé une nouvelle campagne de prévention du mal de dos en partenariat avec l’Institut national de recherche et de sécurité (INRS) et selon les chiffres de cet institut, 20% des arrêts de travail sont provoqués par une lombalgie tous secteurs d’activité confondus. C’est même 31% dans l’aide et les soins à la personne, qui caracolent en tête de ce peu glorieux classement, devant les transports et la logistique, le commerce, la gestion des déchets et le bâtiment.
Pis encore, selon la fiche-mémo qui accompagne la démarche, « le mal de dos est à l’origine de 2,3 millions de journées de travail perdues dans le secteur de l’aide et des soins à la personne soit l’équivalent de 10 800 emplois à temps plein ». Et en termes de coûts économiques, l’addition est salée : 200 millions d’euros de cotisations accidents du travail / maladies professionnelles, sans compter la désorganisation, les difficultés de remplacement et la baisse de qualité du service que cela génère.
Côté préconisations, la fiche rappelle quelques principes de base : mieux organiser le travail, favoriser le travail en équipe, viser la suppression du port de charge, mieux assurer la maintenance des équipements, investir dans du matériel adapté, former et informer les salariés. Des règles élémentaires répétées en boucle depuis plus de 10 ans dans le secteur mais qui ont visiblement bien du mal à passer. A quand un diagnostic des causes managériales de ces risques et des bonnes pratiques existantes en la matière ?
le chiffre du mois :
C’est selon l’INSEE et le Think Tank Matières Grises, le pourcentage d’augmentation des plus de 80 ans d’ici à 2040, auquel on peut ajouter, pour évaluer l’ampleur du phénomène, les 50% de plus de 85 ans supplémentaires entre 2030 et 2040.
Une augmentation massive, mais heureusement prévisible, du nombre des plus de 80 ans à partir de 2025 et des plus de 85 ans à partir de 2030. Un défi majeur auquel nos sociétés n’ont jamais eu à faire face jusqu’ici et qu’elles gagneraient à relever en axant leurs politiques sur la prévention et sur l’anticipation des besoins de cette population, d’autant plus que les personnes très âgées encore autonomes mais fragiles, seront plus de 3 millions en 2050.
Le rapport de Matières Grises
https://www.ehpa.fr/pdf/think_tank_rapport.pdf?x22711
« J’ai envie de prendre au mot le président de la république dans le nouveau plan « ma santé 2022 » qu’il a présenté. Lorsqu’il veut faire la promotion de la proximité, il veut pousser les CPTS* à être coordonnées et à être plus investies. Et moi j’ai envie qu’on prenne le mot santé au sens global du terme : la santé c’est le bien-être physique, psychique et social de toute personne. Cela concerne donc tous les acteurs du domicile. Je lui demande donc que dans les CPTS on mette, quel que soit leur statut, libéral ou salarié, tous les professionnels du domicile »
Antoine PERRIN, Directeur Général de la FEHAP, aux dernières Assises nationales de l’aide à domicile
* Les Communautés Professionnelles Territoriales de Santé (CPTS) émanent de la Loi de Modernisation de notre système de santé du 26 janvier 2016. Elles réunissent des professionnels de santé, en particulier des professionnels de ville, mais également des acteurs du sanitaire, du social et du médico-social. Ces acteurs se réunissent en CPTS pour renforcer leur coordination et améliorer l’offre de soins et la prise en charge de la population de leur territoire La démarche d’articule autour d’un projet de CPTS élaboré par les acteurs, puis transmis à l’ARS pour contractualisation. Les CPTS ont ainsi pour ambition de redynamiser l’offre et l’accès aux soins, de favoriser la coordination des acteurs sur le territoire et de pérenniser l’offre de santé. Une stratégie nationale de déploiement des CPTS doit être arrêtée d’ici fin 2018 et une négociation conventionnelle engagée l’année prochaine afin de pérenniser leur financement.
- Edito : Sans l’aide à domicile, rien ne sera possible
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